Érotico-géopolitique

2003 Jack Vanarsky

Je suis touché parfois (contre le sentiment présumable de leur auteur) par le caractère érotique des natures mortes de Morandi, où se tâtent et se frottent des petits flacons, des bouteilles, des boîtes de biscuits. Dans le même ordre d’idées mais sans objection de ma part, un ami trouvait d’un grand érotisme une de mes oeuvres animées où une petite règle d’écolier fractionnée en fines lamelles, ondulait lentement (lui-même, mon ami, était très amoureux à l’époque).
La représentation d’une paire de fesses ou du ventre nu d’une femme enceinte peut ne constituer que l’illustration de deux pièces anatomiques. Dans la circonstance présente, elles sont le support d’une métaphore géopolitique : le trou du cul du monde, le nombril du monde. Naturellement, elles font référence à mon pays, l’Argentine, et s’y mêlent la nostalgie et d’autres sentiments divers et variés d’un vieil émigré. Sans doute, leur très lent trémoussement (produit par des voies purement mécaniques) les sensualise. Un film récent montre des femmes nues figées comme des statues classiques sur la scène d’un théâtre de variétés dans le Londres des années 30; le moindre tremblement, soupçonné licencieux, leur est interdit. Le générique d’un autre film, « Bons baisers de Russie » est pour beaucoup dans l’idéation de mes premières sculptures : on y voit les titres,  circulant et se déformant sur le corps voluptueux d’une danseuse du ventre. Mes nus-mappemonde sont une évocation de ces images. Mais ici ce sont les distances continentales qui deviennent élastiques.  Il n’y a pas d’embarcation représentée sur l’océan, mais celui qui navigue sur cette mer callipyge, ce doit être moi.

Le cul du monde

2003. Écrits de Jack Vanarsky
© Atelier Jack Vanarsky